Les travailleurs obtiennent gain de cause

Par Albert Chérif

En date du 2 octobre 2007, nous avons publié sur ce site un article ayant trait à la lutte des salarié·e·s de l’usine de textile Ghazl Al-Mahalla. Le 9 octobre le conflit a trouvé un dénouement. Voici quelques informations à ce sujet. Nous reviendrons, au travers d’un entretien avec un militant socialiste, sur la montée des luttes ouvrières dans ce pays clé de la région. (Réd.)

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L’usine de filature et tissage de Ghazl Al-Mahalla est de nouveau opérationnelle. Après une semaine de grève continue au cours de laquelle les ouvriers ont fait valoir leurs revendications salariales, le calme est revenu au sein de l’entreprise. Au terme de négociations-marathon avec la direction, un accord a finalement été trouvé.

Les représentants des travailleurs se disent satisfaits de l’accord auquel ils sont parvenus avec le gouvernement, un accord qui a favorablement répondu à toutes leurs revendications. D’après les termes de cet accord, les ouvriers toucheront une prime équivalente à une paye de 70 jours de travail. Entre-temps, l’assemblée générale de l’usine se réunira pour décider de primes supplémentaires de sorte à les faire passer à au moins l’équivalent de 130 jours de travail.

La séance de négociation qui a duré plus de six heures a regroupé une trentaine de travailleurs, ainsi que le président de la Compagnie holding de filature et tissage, des parlementaires, des syndicalistes et le président de la ville de Mahalla, Ali Al-Selmi. Deux ministres, Mahmoud Mohieddine, de l’Investissement et Aïcha Abdel-Hadi, de la Main-d’œuvre, étaient au bout du fil pour conclure l’accord ; de quoi susciter les interrogations de certains observateurs sur les raisons du fait qu’ils ne se sont pas déplacés pour résoudre cette crise qui intervient dans le cadre de tout un malaise social qui gagne plusieurs secteurs.

Il est vrai aussi que les travailleurs n’ont pas tenté de politiser leur mouvement ni de le rattacher à d’autres actes de protestation. Cela dit, «c’est grâce à la solidarité locale, arabe et internationale qu’ils sont sortis gagnants des négociations», se réjouit le comité de coordination de la grève, dans des déclarations reprises sur Internet par des  bloggueurs ayant adopté leur cause.

Les ouvriers qui se plaignaient de la médiocrité de leurs salaires ont décidé d’entrer en grève après avoir reçu seulement une prime équivalente à la paye de 20 jours, alors qu’ils estimaient que leur part des bénéfices est huit fois plus supérieure. L’usine Misr, le plus important de l’industrie textile en Egypte, fut complètement paralysée à cause de cette grève.

27’000 travailleurs ont observé un sit-in pendant six jours au sein même de leur usine dont la production est essentiellement destinée à l’exportation. Les responsables de l’usine estimaient les pertes à plusieurs millions de livres par journée de grève.

«Les grévistes passaient leur temps à converser entre eux, ils ne parlaient que de deux choses, l’état de misère dans lequel ils se trouvent, et la corruption qui gangrène leur entreprise. Ils n’arrêtaient pas de se demander: Notre usine est-elle riche ? Où passe tout cet argent ?», rapporte Khaled Ali, un activiste de gauche qui a fait la grève à Mahalla par solidarité.

Cette grève, la deuxième en l’espace d’un an pour cette même usine, s’inscrit dans une vague de mouvements ouvriers qui gagne le pays alors que de plus en plus de travailleurs prennent conscience de leurs droits qu’ils n’hésitent pas à revendiquer, notamment ceux portant sur leur participation aux bénéfices des établissements publics où ils travaillent.

Jusque-là, tous les mouvements de protestation se sont achevés avec une réponse favorable de la part du gouvernement. Des concessions qui encouragent les travailleurs à aller plus loin sur le chemin des grèves.

«Le gouvernement répond favorablement aux revendications ouvrières parce que tout d’abord elles sont légitimes, il y a aussi la peur de voir naître une coalition entre le mouvement ouvrier et les forces politiques favorables aux réformes», explique Mohamad Al-Sayed Saïd, rédacteur en chef du quotidien Al-Badil, de tendance gauche. Analysant l’origine de cette vague de grèves, phénomène très récent pour l’Egypte, Saïd affirme: «Il ne s’agit pas de prendre ses distances avec ce mouvement et de dire on n’a rien à voir, parce que c’est le devoir de toute la gauche de soutenir et de défendre cette couche sociale. Toutefois, je pense que ces mouvements spontanés sont surtout motivés par la pauvreté».

* Albert Chérif écrit pour l’hebdomadaire Al-Ahram

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